Changements climatiques en Beauce - troisième partie
Le temps des sucres va bientôt commencer et cette troisième partie de la série sur les effets des changements climatiques en Beauce est prête au bon moment. J’explore ici quand commence et finit le temps des sucres. Je suis curieux de savoir comment les changements climatiques affectent la période des sucres et surtout si elle est maintenant plus courte.
Je ne prévoyais pas faire une quatrième partie mais dans quelques semaines je vais possiblement regarder la volatilité des températures dans le temps des sucres. C’est-à-dire, analyser si la température pendant le temps des sucres est moins stable qu’elle ne l’était auparavant.
Vous pouvez consulter la première partie de cette série ici et la deuxième partie ici.
Quand commence le temps des sucres?
Ce n’est pas facile de déterminer quand les sucres commencent sur la base des températures journalières. L’ensoleillement, le vent, la pluie et d’autres facteurs influencent quand les érables commencent à couler. Mon analyse va être basée sur une mesure imparfaite mais qui je crois capture de façon consistente quand la température se réchauffe et les sucres commencent. L’important ici n’est pas de savoir exactement quand les sucres commencent, mais d’avoir une définition qui va nous permettre d’examiner si les sucres commencent maintenant plus tôt à cause des changements climatiques.
Je vais déterminer le début du temps des sucres en utilisant la première de 7 journées consécutives où la température maximale est au-dessus de 5° C. Par example, supposons qu’au cours d’une année la première fois où la température maximale dépasse 5l° C pendant 7 journées consécutives est entre le 15 et 21 mars. Pour cette année, selon ma définition, le printemps commence le 15 mars.
Il y a plusieurs autres définitions que j’aurais pu utiliser. Je crois que ma définition donne une bonne approximation du début des sucres. Elle capture assez bien la période où on peut dire que les sucres ont commencé. J’ai fait l’analyse avec d’autres définitions et les résultats ne sont pas qualitativement différents.
Les données que j’utilise sont les mêmes que dans les deux premieres parties. Je prépare les données sensiblement de la même façon que dans la deuxième partie sauf que cette fois je travail avec des données journalières.
La ligne orange dans la figure 1 montre quand les sucres commencent en Beauce selon ma définition. Une valeur plus élevée indique que les sucres commencent plus tard. La ligne orange ne suggère pas de changement pendant la période plus froide qui a commencé dans les années cinquantes (voir deuxième partie). La ligne bleue montre la tendance.
Nous allons utiliser ici la ligne bleue puisque nous voulons examiner la tendance à long terme. Cette ligne montre que les sucres commencaient en 1915 aux environs du 101e jour de l’année (11 avril) alors qu’en 2019 les sucres commencent le 62e jours de l’année (3 mars). C’est pratiquement un mois plus tôt en l’espace de 100 ans. Si on regarde l’effet des changements climatiques entre 1979 et 2019, comme dans la deuxième partie de cette série, les sucres commençaient au 76e jour de l’année en 1979, 14 jours plus tard qu’en 2019.
Quand finit le temps des sucres?
Pour déterminer quand finit le temps des sucres, j’utilise une définition similaire à celle pour en identifier le début. J’utilise la première journée de sept consécutives où la température minimale est au-dessus de 5° C. Encore une fois, ce n’est pas une définition parfaite mais ça donne une bonne idée quand se terminent les sucres.
Je vais encore une fois utiliser la tendance pour examiner ce qui se passe à long terme. Selon la figure 2 ci-dessous, 1915 les sucres se terminaient au 123e jour de l’année (5 mai). En 2019 les sucres se terminent au 96e jour de l’année (6 avril). Les sucres se terminent donc plus d’un mois plus tôt que voilà 100 ans. En 1979, les sucres se terminaient au 106e jours de l’année, 10 jours plus tard qu’en 2019.
Est-ce que la période des sucres est plus courte?
Ayant déjà déterminé que le temps des sucres commence et finit plus tôt, la question maintenant est de savoir si la période des sucres est plus courte. La figure 3 montre la durée du temps des sucres en prenant la différence entre le jour où il se termine et le jour où il commence selon les deux figures précédentes. La ligne orange donne la durée annuelle du printemps alors que la ligne bleue est la tendance. Selon la tendance, le temps des sucres durait 22 jours en 1915 et dure 33 jours en 2019.
Autour de la ligne bleue, la surface bleue pâle montre un interval de confiance à 95%. J’ai ajouté cet interval de confiance parce que la ligne bleue a une pente positive, mais faible, suggérant que le printemps est maintenant un peu plus long que voilà 100 ans. Par contre, en considérant l’interval de confiance, on ne peut pas faire ce type d’inférence. En fait, il serait possible de tracer une ligne horizontale à l’intérieure de la zone bleue pâle. On ne peut donc pas rejeter l’hypothèse que le temps des sucres est dure aussi longtemps maintenant que voilà une centaine d’années. Le temps des sucres dure environ 33 jours.
Est-ce que l’hiver est plus court?
J’ai pensé continuer l’analyse et regarder quand l’hiver commence et sa durée. Je vais utiliser une définition similaire à celle utilisée plus tôt pour identifier la période froide de l’année. Le début de l’hiver est définit comme la première de 7 journées consécutives où la température moyenne est sous -5° C.
La ligne orange dans la figure 4 montre le début de l’hiver et la ligne bleue montre la tendance. Nous allons encore une fois nous concentrer sur la tendance à long terme. En 1915, l’hiver commençait au 344 jours de l’année (10 décembre). En 2019, l’hiver commence le 325 jours de l’année (21 novembre). L’hiver commence donc trois semaines plus tôt que voilà 100 ans. En 1979, l’hiver commençait au 333 jours de l’année (29 novembre), 8 jours plus tôt qu’en 2019.
La ligne orange dans la figure 5 montre la durée de l’hiver (temps froid) définit comme le nombre de jour entre le début de l’hiver et le début du temps des sucres. La ligne bleue encore une fois montre la tendance. En 1915 l’hiver durait 120 jours alors qu’il dure 102 jours en 2019, donc l’hiver est maintenant 18 jours plus court. La surface bleue est encore une fois un interval de confiance à 95%. Cette fois-ci, il n’est pas possible de tracer une ligne horizontale à l’intérieur de l’interval de confiance. Donc, l’hiver est maintenant statistiquement plus court qu’il ne l’était en 1915.
Conclusion
Ce que l’on peut retenir c’est que le temps des sucres commencent plus tôt mais sa durée n’a pas changé. L’hiver arrive plus tôt mais il est maintenant plus court que voilà une centaine d’année. Que l’hiver arrive plus tôt est un peu surprenant. Par contre, les autres résultats font du sense étant donné le réchauffement de la température. On doit bien sûr s’attendre à un hiver plus court avec la température qui se réchauffe. Cette analyse montre que les changements climatiques n’ont pas d’effet sur la durée des sucres. Le temps des sucres étant au printemps, une période de transition entre les températures froides et chaudes, il n’y a pas de raison pour que cette période se passe plus rapidement qu’auparavant à moins que les changements climatiques affectent le printemps plus que les autres saisons.
Ce que l’analyse ne permet de dire c’est ce qui va se passer dans le futur. On ne peut qu’espérer que le réchauffement n’affecte pas la durée du temps des sucres et que le rendement des érables ne soit pas affecté.